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Les autobiographies n'existent pas.
Parce que la vie ne s'écrit pas. Elle se vit, se savoure. Ecrire la vie, c'est simplement revivre les instants passés, les imaginer sous d'autres perspectives. On repasse des moments, on y ajoute des reflexions, on mixe les sentiments survenus sur le tas avec les banalités survenues, et on obtient quelques pages.
Mais jamais la retranscription exacte d'un vécu.
Cet après-midi, je voulais écrire à ma soeur. Lui parler du passé, lui dire à quel point elle avait été importante dans ma vie d'enfant, à quel point elle le restait aujourd'hui, malgré la distance, les silences et les divergeances d'opinion.
J'étais là, devant une page blanche, à me souvenir d'après-midi shopping, de virées à vélo, de longues discussions, des heures qu'elle passait à me préparer des exercices de math et de conjugaison lorsque la période des examens approchait et que, du haut de mes 12 ans, j'avais besoin qu'on me pousse un peu pour ouvrir un bouquin. Et le trou noir.
C'est comme si aujourd'hui, avec le temps, au gré des changements survenus et de nos différences, ces anecdotes mêmes s'étaient distordues dans mon esprit. Comment garder aujourd'hui l'innocence et la simplicité d'esprit que j'avais, enfant, quand je profitais simplement des quelques heures pendant lesquelles je me sentais grande, aimée, la main dans celle de ma soeur.
Tellement de choses ont changées...
Et pourtant, quand mes pensées se tournent vers cette autre partie de moi qu'est mon frère, c'est comme si tout retrouvait sa place, comme si les sourires enfantins de l'époque ou, debout sur ma chaise sous le panier de basket, du haut de mes 7 ans, à attendre que lui ou un de ses grands potes me passent le ballon pour que j'essaie de marcher reprenaient naturellement leur place derrière mes paupières.
C'est dingue, ce que les moments vécus depuis, les pensées actuelles, peuvent changer la donne.
Les différents que j'ai eu avec ma soeur concernant mon départ, sa distance relative de ces derniers temps, son incompréhension, parfois, ont-ils pu m'atteindre à en atténuer la beauté de nos souvenirs communs?
J'aurai tellement voulu lui dire, tout à l'heure, que rien n'avait changé, qu'elle était toujours la grande soeur exceptionnelle que je mettais sur un énorme piedestal quand j'étais petite. Pourtant, en l'écrivant, les mots semblaient perdre leur sens, et je me sentais hypocrite.
Ne vous méprenez pas, je l'aime. Elle est et restera toujours ma grande soeur. C'est juste qu'aujourd'hui, j'ai l'impression qu'elle a perdu de son éclat jusque dans ma mémoire.
Et c'est difficile à admettre.
Ca remet tellement de choses en question.
Se peut-il qu'un jour, suite à une trahison de sa part, une déchirure au coeur, des déceptions douloureuses, tous ces moments magiques passés avec B., ceux que je voudrai quoiqu'il arrive inébranlables et éclatants, se trouvent définitivement rabaissés au rang de banal à cause de mon amertume?
Est-ce pour ça qu'aujourd'hui je ne sais même plus pourquoi j'ai pu me rapprocher de certaines personnes, avant. Est-ce tout simplement parce qu'elles m'ont déçues au point d'en craqueler l'image que j'avais d'elles dans mon souvenir?
On devrait pouvoir garder intacts les momens passés. Comme des clichés aux couleurs éclatantes, des éclats de rire dans le silence.
Et qui peut encore, après tout ça, rire du fait d'en être toujours, à 23 ans, à la rédaction ponctuelle et précise d'un journal intime n'ayant pour unique but que de garder tels quels les sourires d'aujourd'hui?
Si j'avais commencé avant. Si j'avais pu retrouver ici, noir sur blanc, les émotions ressenties alors que je n'étais encore que haute comme trois pommes, j'aurai peut-être pu les rappeler à ma soeur, j'aurai peut-être pu lui dire simplement "merci. Je t'aime".
Je veux garder un souvenir indélébile de chacun de mes battements de coeur. Pour ne jamais, jamais oublier que ceux d'aujourd'hui te sont intégralement dédiés...
Ces derniers temps, j'ai écrit énormément. Des conneries, des textes tristes sans pour autant l'être. Comme une constatation tardive de la connerie humaine et du monde qui nous entoure, autant de détails qui ne devraient être, de tête baissées à en user les pavés des trottoirs, de dos courbés sous le poids du monde.
Vous avez déjà remarqué à quel point les gens semblent tristes, lorsqu'ils marchent dans la rue? On mesure le poids de leur soucis à la courbe de leurs épaules, l'énormité de leurs problèmes à leurs lèvres tombantes.
Parfois, je me surprends à penser qu'il n'y a plus d'échappatoire que dans l'oubli, moi qui me croyais du genre à lutter.
Il faut dire que les changements, ces derniers, temps, sont légions. Et pas forcément de la meilleure manière qui soit.
Mon nouveau travail m'épuise autant physiquement que psychologiquement, malgré ses nombreux avantages, le besoin constant d'argent aussi, et j'ai tendance à me sentir seule, ces derniers temps.
Mes parents se séparent, et mon père semble déjà avoir retrouvé l'amour. Un jeune de 16 ans ayant sa première expérience sexuelle ne serait pas plus prolixe que lui sur le sujet. Un enfant amoureux, qui se fout royalement de l'opinion des gens et enfonce un peu plus le couteau à chaque "si tu savais comme je suis heureux". Un jeune de 16 ans qui se sert un peu trop de son acceptation de l'homosexualité de sa fille pour tenter de la convaincre d'admettre le changement en quelques jours seulement. Il me faudra bien davantage.
J'écris beaucoup, ces derniers temps. De midi à 14h, du lundi au vendredi, pendant ma pause. Des bêtises, des phrases vide de sens ou peut-être trop pleines. Des déchirures ou des sourires. J'écris sur les autres autant que sur moi. C'est difficile, d'avoir un regard objectif sur le monde. Les gens, au fond, ne me semblent-ils pas tristes parce que, d'une certaine manière, je le suis moi-même?
Cela fait deux semaines, maintenant. Deux semaines que les questions se bousculent. Trop de changement tue le changement, je crois. Je n'ai pas eu le temps de profiter de quoique ce soit. Tout va trop vite. Le week-end dernier, mes parents sont venus. M'annoncer leur rupture. Dommage que je l'aie appris par hasard la semaine précédente, j'ai gâché leur effet de surprise. La dernière fois qu'ils venaient tous les deux.
La semaine prochaine, ils ont rendez-vous chez le notaire. Pour le divorce. Les papiers sont déjà prêts. Les projets vite oubliés.
J'ai entendu cette phrase, tout à l'heure, qui disait que l'amour se doit d'être inconditionnel. On aime l'autre quelqu'il soit, et pas seulement lorsqu'il agit comme on voudrait qu'il le fasse.
Ca m'a fait sourire. Comme une évidence.
Hier, j'ai eu 23 ans.
J'ai l'impression, parfois, d'en avoir cent. Ou dix-sept.
17/03/2009
Le gris en fumée. Le rose en coeur. L'orange en fruit. Le jaune en soleil. Le rouge en amour. Le noir en nuit. A chaque couleur son symbole. A chaque jour son mélange.
Aujourd'hui je me sens l'âme d'un Picasso en herbe. Je dessine, je superpose, je trace, je contourne. Tout ça n'a aucun sens.
Une trace de rose, beaucoup de noir, un peu de jaune pour le beau temps, un soupçon de gris pour les quelques clopes. Une grosse tâche rouge en plein milieu.
Je me rapproche. Encore. Encore. A en sentir le papier frémir à chaque respiration. J'embrasse le rouge du bout des lèvres, je griffe le noir jusqu'au sang. Ca se mélange pas, le noir. On a beau y ajouter ce qu'on veut, ça reste noir. Même avec du rouge.
Je pose ma joue sur la ligne jaune. C'est pas chaud comme un rayon. Même pas tiède. Juste rèche.
Je rajoute un peu de rose. J'étale du bout des doigts. On parle de coeur à fleur de peau mais au fond ce n'est que la peau qui effleure le coeur.
Couleurs en vrac.
Pourquoi le rouge et le jaune donnent-ils de l'orange? On n'obtient pas de fruit en mélangeant de l'amour au soleil, pourtant. Quoique...
Si ma vie était un tableau, à quoi ressemblerait-il?
Comme un scénario répété cent fois derrière le voile de mes paupières clauses ou le miroir de mes rêves. Comme une parenthèse, un pied de nez à la monotonie de la vie, quand ses yeux, sa bouche, ses mains et tout son corps s'allient pour ne faire qu'un avec le mien, et que le monde autour n'a plus aucune substance. Seul compte la sensation de plénitude.
Entière. Je suis entière.
Corps à corps
Elle lui colle un baiser sur le coin des lèvres en lui murmurant quelques mots à l'oreille, inaudibles, avant de l'entraîner vers la chambre, la main sur sa taille, la paume bien calée au creux de ses reins, là où la peau est si douce.
Ne me laisse pas, ne me lâche pas... Garde ta main encore un peu sur ma peau... Ferme les yeux et lis-moi sous ta paume
Leurs yeux enfin se cherchent, se parlent, se racontent, accélérant leur rythme cardiaque
Je t'aime... Je sais... Quand tu me regardes comme ça... Attends encore, ne bouge pas... Regarde moi encore
Dos contre le mur, les dernières hésitations fondent. Chaleur intenable. Tropicale. Battements de coeur effrénés. Désir. L'étreinte prend forme. La nuit leur appartient, emmêlées sur les draps dans un corps à corps passionné.
Le retour en arrière n'est plus possible
Viens...
Leurs mains, leurs bouches se découvrent, se redécouvrent à l'infini. Plus de questions, rien que des réponses dans leurs yeux qui ne se quittent plus.
Un tremblement de tout le corps, un cri qui ne se retient pas, et leurs ventres qui se soudent dans un dernier sursaut.
Reste là, ne bouge plus... Juste un instant... Celui qu'il faudra à la vie pour reprendre court... A mon souffle pour redevenir calme... A mon coeur pour retrouver la douce mélodie des battements ordonnés.
Un baiser...
Et elles s'endorment sur un sourire
On a tous un but dans la vie, non?
Et j'ai cette impression étrange que cette année va représenter un tournant dans la mienne, comme si je le vivais de l'extérieur et que je me rendais compte des changements qui allaient survenir. Dans la petite boule de verre que je secoue, la neige ne tombe pas droit, elle valse, comme portée par le vent. Et le bonhomme de neige en son centre semble me sourire d'un air interrogateur.
Et si je ratais mon tournant? Et si je me rétamais dans le virage? Si je me prenais le mur d'en face dans la gueule?
Et si l'année s'arrêtait demain, avant même que je ne sache ce que ça représente? Je pensais avoir déjà fait mes choix l'année dernière...
Vous connaissez le tarot? Non, pas le jeu de carte, le vrai tarot, celui sensé nous dévoiler notre avenir, nous aider à prendre les bonnes décisions, à faire les bons choix.
Il y a quelques années, en me tirant les cartes, ma belle-soeur a vu des choses que moi-même ne soupçonnais pas encore, qui se sont aujourd'hui réalisées. Se sont-elles réalisées parce qu'elle les a vues, ais-je inconsciemment axé ma vie en fonction de ce que les cartes disaient? Est-ce le fruit du hasard ou est-ce réel?
Je ne sais pas ce que je préfèrerais croire. Avoir une certaine aide dans la prise de décision ne serait pas de refus, mais j'ai du mal à admettre que nos vies soient écrites à l'avance. Dilemne, comme toujours
Quoiqu'il en soit, depuis ce jour, j'ai appris à tirer les cartes, moi aussi. Pas à merveille, mais les rudiments, les tirages les plus fréquents. Je ne l'avais jamais essayé sur moi jusqu'à il y a trois jours. Et je ne sais pas... Depuis, il y a ce sentiment d'un tournant décisif qui approche, comme si il me fallait dès aujourd'hui prendre réellement ma vie en main, comme si soudain mes choix allaient avoir un impact sur l'ensemble de mon existence.
J'ai cette impression bizarre que si B. et moi restons ensemble cette année, alors ce sera pour longtemps. Mais c'est une autre histoire...
Et pour passer du coq à l'âne, il neige, ici à Avignon. Comme il n'avait pas neigé depuis des années, apparemment. Depuis hier, les routes sont presque impraticables et le premier jour des soldes a été une véritable catastrophe. Vides, les magasins, pleins, les portants de vêtements. J'ai mis plus d'une heure à faire les 6 malheureux kilomètres qui séparent mon appart du bureau, dû annuler une soirée cinéma qui s'annonçait super et attendre ce midi pour fureter un peu dans quelques magasins. Qui a dit qu'il ne neigeait jamais, dans le sud de la France?
Comme quoi, les choses que l'on tient souvent pour normal virent à l'absurde, certains jours. Parce qu'hier, tout était comme endormi, recouvert d'un manteau de neige, et les piétons avançaient plus vite que les voitures. Hier, les routes étaient blanches et les nuages gris. Pendant une seconde, j'ai cru que les anges s'étaient trompés, qu'ils avaient retourné le miroir et qu'on marchait en plein ciel, les pieds s'enfonçant dans la douceur cotonnée des nuages, le bitume au-dessus de nos têtes. Vous croyez que les nuages sont aussi froids que la neige, vous? Je préfère penser qu'ils ont la substance de la barbe à papa, en moins collant. Sinon les étoiles y reteraient attachées lorsqu'elles les traversent, et perdraient leurs repères dans l'immensité du ciel. Leur voisine de gauche disparaîtrait et les constellations ne nous guideraient plus la nuit.
Et cet après-midi, je suis seule au bureau, personne n'ayant eu le courage de braver le verglas pour venir travailler. Remarque, je ne m'en plains pas, j'avance à mon rythme, je m'accorde une pause pour vous écrire, je ne vais pas tarder à rentrer retrouver le confort douillet de mon canapé, me planter devant la télé avec une bonne tasse de café fumant et attendre que le soleil se couche.
Vous savez, ce tournant dont je vous parlai. Peut-être qu'au fond, ce n'est qu'une question de point de vue. Après tout, si j'avançais sans me soucier des choses à faire ou non, à mon rythme, comme aujourd'hui, peut-être que les choses se feraient d'elles-même.
Si vous voyiez la vue que j'ai d'ici, vous plisseriez les yeux, tellement la blancheur des toits de la ville par le fenêtre est éblouissante. Il n'y a que les routes qui retrouvent peu à peu leur manteau gris et boueux de l'hiver. Et demain ce sera fini, alors j'en profite encore un peu.
Si j'avais le choix, à ce moment précis, je m'asseierais dans le plus confortable fauteuil qui soit. Un fauteuil à bascules, comme ceux de nos grands-parents, devant une baie vitrée immense, un feu de cheminée me réchaufferait le dos et je comtemplerai une étendue blanche à perte de vue, sans aucune trace de pas, sans aucune fausse note...
Je boirai un vrai chocolat chaud, fait avec du vrai chocolat qu'on a doucement fait fondre avant d'y ajouter le lait et de mélanger longuement. Un chocolat chaud tout crémeux, qui glisse tout seul dans la gorge et apporte autant de réconfort que des bras aimants, et je lirai un peu, seule et en silence. Je laisserai peut-être quelques mots sur une page blanche, mais pas sur un clavier. Le bruit des touches risquerait de gâcher le moment. Non, j'écrirai sur une feuille, avec un vieux stylo plume qui me rappellerait aux souvenirs de mes années studieuses.
J'écrirai la perfection du moment et l'apaisement de mon âme, la merveilleuse musique du silence et mon envie d'éternité. J'écrirai ma vie comme je ne l'ai jamais fait, en dévoilant mon âme, parce qu'on ne peut écrire des banalités durant un tel moment.
Puis je poserai tout ça à côté de la tasse de chocolat vide, et je le laisserai là, abandonné à la lecture de celle qui prendra ma place. Je le laisserai là et j'irai courir dans la neige, dessiner des anges en remuant des bras et crier de toutes mes forces, jusqu'à l'épuisement.
Peut-être attendrais-je la nuit, pour vérifier que les étoiles ne se sont pas collées au nuages et son toujours là. Alors, je chercherai la tienne et viendrai te l'apporter.
Tout à l'heure, en discutant avec un ami, il m'a demandé quelles étaient mes bonnes résolutions. Je n'en avais pas, mais ça m'a au moins donné l'occasion d'y réfléchir.
Si je pouvais prendre de bonnes résolutions tout en ayant la certitude qu'elles aboutissent, pour cette année, lesquelles prendrais-je? Qu'est-ce que je me choisirai, comme vie?
Et mes pensées ont joué aux montagnes russes, juste avant que je ne me mette à écrire, les unes annulant automatiquement les autres, leur trouvant tous les défauts du monde pour les rendre inutiles.
J'ai pensé rentrer en Belgique, mais je refuse d'occasionner à B. cette nouvelle déchirure, parce que je crois qu'elle me suivrait et, qu'à l'heure où je commence enfin à m'habituer pleinement à la distance, il serait illogique de repartir, recommencer à zéro, et déplacer la souffrance presque éteinte dans l'autre camp, là où elle aurait toutes les chances de se raviver.
J'ai pensé à quitter mon travail pour en trouver un autre qui soit plus stable, qui me convienne davantage. Mais c'est impossible. L'âge adulte comporte certaines responsabilités qu'il nous faut aujourd'hui assumer. Et puis au fond, je n'ai pas vraiment à me plaindre.
J'ai pensé à changer mais ne serait-ce pas chercher à réduire au silence celle que je suis? Et si cette nouvelle personne ne me plaisait pas? Si à force de me cacher derrière une coiffure parfaite, des fringues dernier cri et une couche de maquillage, je me perdais moi-même? Ce serait pire, je crois, que d'admettre que je resterai toujours imparfaite, pleine de doutes et bien trop sensible. Peut-être faudrait-il simplement que j'apprenne à mon coeur à ne plus se laisser toucher à ce point par des détails, à cicatriser plus vite. Je doute qu'il accepte de se laisser manipuler aussi facilement...
J'ai pensé à ce roman que j'ai envie d'écrire autant qu'il me fait peur. Et si je décidais de m'y mettre sérieusement, et si ça ne marchait pas, et si je n'y arrivais pas, et si il se révélait un énorme désastre, la déception ne serait-elle pas pire encore que celle qui me rappelle parfois que je ne l'ai pas encore écrit?
J'ai pensé à tellement de choses sans en trouver une seule qui ne comporte aucun inconvénient que finalement, je me dis que peut-être mieux vaut apprendre à s'aimer telle que l'on est, à aimer pleinement la vie que l'on a sans se soucier de ses petits tracas quotidiens, à profiter de chaque jour qui passe sans se retourner ni essayer de se projeter en avant. Simplement vivre. Et sourire.
J'ai de la chance, je crois. J'en suis même sûre, en fait. Qui peut se targuer, à seulement 22 ans, d'avoir un travail relativement aisé, de vivre avec la personne qu'il aime vraiment, d'avoir un appart petit mais tellement agréable à vivre, et une famille qui reste soudée bien qu'éloignée...
Qui peut se retourner sur sa vie et se dire qu'il n'aurait pas agi autrement, même s'il avait eu une deuxième chance de refaire les bons choix?
Et si on se contentait de profiter du bonheur sans se soucier du reste? Si on essayait simplement d'allonger, jour après jour, ces moments de bonheur pour qu'ils deviennent constants? Si on essayait de vivre avant tout pour soi? N'est-ce pas, au fond, la plus sensée des résolutions?
J'écoute Saez, je chante à tue-tête mais j'm'en fiche puisqu'il y a personne pour m'écouter, j'regarde TF1 sans le son et j'fume des clopes d'une main en écrivant de l'autre.
J'voulais acheter plein de fringues, cet aprem. Mon compte en banque m'en a dissuadé. J'voulais acheter un appart, ce soir. Ma mère m'en a dissuadé. faudrait que j'arrête de demander l'avis des autres. Y a toujours quelqu'un pour dire non, et au final j'me retrouve pleine de regrets.
Vive les simples d'esprit qui ne se posent jamais de questions. Au moins ont ils le bonheur d'ignorer la complexité de la vie.
J'suis bien en fait, là dans mon canap. J'métais pas sentie aussi bien depuis un bail. J'm'en souviens même plus. C'est juste un état d'esprit, l'impression d'avoir réussi à évoluer par mon introspection et d'avancer vers des jours meilleurs, c'est juste B qui vient de m'appeler, et son sourire qui s'entendait, et la perspective de revoir petit bonhomme bientôt. Et puis cette longue conversation d'hier avec Ak, aussi. Je crois qu'au bout de 2 ans, lui expliquer clairement pourquoi je l'ai quitté sans un mot ou presque, ça fait du bien. Lui dire enfin que j'étais désolée, mais que j'en avais besoin, qu'avec lui comme avec n'importe quel autre mec, je ne pouvais plus, que c'était pas de sa faute et que je l'aimais bien, faute de l'aimer tout court. Puis j'prépare activement mes bonnes résolutions pour l'année prochaine, aussi, et j'm'y vois déjà, une fois celles-ci toutes accomplies, comment ce sera trop bien.
J'ai pas grand chose à dire, en fait. Y a Saez qui chante "So gorgeous", et les images d'un montage photo que j'avais fait il y a des mois déjà qui me reviennent, ça me fait sourire toute seule. Et ma clope se consume toute seule dans le cendrier, et B va râler en rentrant à cause de l'odeur de fumée froide dans le salon. Ca aussi, bizarrement, ça me fait sourire. J'pense que je commence peu à peu à connaître toute la complexité de ce petit bout de femme qui s'est retrouvé au centre de ma vie un peu par hasard.
Tiens, d'ailleurs, cette nuit, j'arrivais pas à dormir. Croyez moi, c'est plutôt rare. Et j'ai pensé à toutes ces coïncidences, tous ces hasards qui m'avaient réuni. Définitivement maintenanant, je ne crois plus au hasard. Ils sont trop nombreux pour n'être que coïncidences, il y a forcément autre chose derrière. Le destin, peut-être. J'en sais rien, au fond.
Quoiqu'il en soit...
Si j'avais pas écrit un peu, si elle avait pas lu un peu, si elle avait pas osé me parler, si j'avais pas répondu, si j'avais pas réfléchi autant, si j'avais pas fini par admettre qui j'étais vraiment, si j'avais pas fait le premier pas pour lui dire, si elle m'avait pas fait devenir presque folle en essayant de me faire réagir, si j'étais pas partie pour Valence, si elle était pas venue, si elle avait pas eu de si beaux yeux, si elle était pas restée pour la nuit...
Si j'avais pas écrit, elle n'aurait jamais lu, on n'aurait jamais échangé nos premiers mots, ni notre premier baiser, par extrapolation, et rien n'aurait existé. Quand je dis que l'écriture est au centre de ma vie...
Si j'avais pas admis que j'étais amoureuse d'une fille, si je le lui avais pas dit, ça n'aurait jamais été plus loin que des mots, on n'aurait jamais échangé notre premier baiser...
Si elle ne m'avait pas fait devenir presque folle en sortant avec un autre dans la foulée, si j'avais pas ressenti cette putain de jalousie que je ne connaissais que de nom, j'aurai jamais su à quel point c'était fort, ce truc qui poussait dans mon bide, qui faisait battre mon coeur, et j'aurai peut-être laissé tomber les difficultés à venir. On n'aurait jamais échangé notre premier baiser...
Et si j'étais pas allée à Valence, si j'étais pas allée à 1h de chez elle, j'aurais peut-être jamais osé faire le trajet pour la voir, on se serait oubliées à force de reporter encore et toujours. On n'aurait jamais échangé notre premier baiser...
Et si elle en avait pas profité pour venir, si elle avait pas pris les choses en main sans me laisser la contredire, j'aurai sûrement dit non, et laissé la peur reprendre le dessus. Elle serait pas venue, j'aurai pas insisté, j'aurai attendu, sans doute trop. On n'aurait jamais échangé notre premier baiser.
Et si elle avait pas eu de si beaux yeux, de ces yeux auxquels on ne peut résister, l'envie de me pencher vers elle aurait peut-être été combattable, j'aurai peut-être pas osé, j'aurai attendu, encore. Aurait-elle fait encore une fois le premier pas? Je sais pas. On n'aurait peut-être jamais échangé notre premier baiser.
Mais j'ai écrit, mais elle a lu, mais on a discuté, mais j'ai compris, mais je lui ai dit, mais elle m'a rendue dingue, mais je suis allée à Valence, mais elle est venue, mais elle a les plus beaux yeux du monde, mais j'ai pas résisté à l'envie de l'embrasser, mais elle est restée pour la nuit, mais c'était comme une évidence, à partir de ce moment là...
C'est pas le hasard, j'y crois pas.
Merde, j'ai rallumé une clope sans y penser. Elle va vraiment me tuer. Et puis d'ailleurs j'ai rien rangé. J'ai pas envie, en fait. Et y a la météo à la télé qui annonce une vague de froid, comme si on se les gelait pas encore assez. Ca me gave, le froid. J'aime pas les gros pulls qui boudinent et les écharpes qui grattent le cou. J'aime pas mettre un pyjama pour dormir parce que les draps sont trop froids pour s'y blottir. J'aime l'hiver que quand il neige, en fait.
Tiens, vous avez vu, c'est Mickels qui a gagné la star ac, hier. Ouais, tout le monde s'en fout, je sais. C'était juste pour dire un truc qui ne raconte pas ma vie, ça change.
J'crois qu'au fond, j'suis pas quelqu'un de bien, avec mes envies d' interdit, d'infini, mes dépendances et mon caractère de merde, mon égocentrisme à toute épreuve et mes mots qui tournent autour de ma petite personne. Mais je crois que l'admettre fait de moi au moins quelqu'un de fréquentable. C'est vrai quoi, faute avouée à moitié pardonnée. Bref, j'suis pas quelqu'un de bien, et là j'ai envie d'un joint, d'une clope, de danser toute la nuit et pour le reste j'me censure, sinon je vais faire péter l'audimat des recherches par mot-clé.
Vous saviez qu'un jour quelqu'un avait attéri ici en recherchant "Baiser son chien" sur google? J'ai vérifié, j'ai jamais jamais jamais parlé de ça, même dans mes moments de faiblesse littéraire. Bizarre, la technologie. Et puis quelle personne normalement constituée pourrait rechercher ça sur le web, d'abord? C'est vrai quoi, j'aurais plutôt opté pour Shakira, Eva Mendes ou encore Eva Green, là oui, d'accord, mais un chien. Beurk. Pas de ça ici, je vous en prie.
Ca vous arrive parfois, de vous faire rire toute seule? J'avais décidé d'écrire pour ne rien dire, parce qu'en fait j'ai pas grand chose à dire, ce soir. Les autres jours non plus. Et me voilà à discuter hasards, star ac et chiens, toute seule dans mon canapé.
Y a t'il un psy dans l'audience? C'est grave, docteur?
Allez, au prix d'un effort surhumain je vais me lever, vider le cendrier, ouvrir la fenêtre, tenter désespérément de m'éviter les foudres de ma chérie en aérant l'appart, ranger un peu mes fringues qui s'amoncellent en un tas dangereusement instable derrière le rideau sensé cacher la penderie et... attendre gentiment.
Je vous laisse donc à vos lectures de choses nettement plus intéressantes.
D'ailleurs je crois que je vais devenir alcoolique. Au moins j'aurai une maladie, un truc socialement reconnu comme pathologique, un problème réel à régler, et vous serez obligé d'être sympa avec moi, de me répondre, de me soigner, de me sourire à vous en décrocher la machoire. J'aurais enfin droit à votre considération humaine et médicale et des tonnes de choses intéressantes à écrire. J'piquerais son idée à Beigbeder pour écrire les "nouvelles sous alcoolémie" et je deviendrai célèbre. Flamboyante revanche sur l'inintérêt de l'existence
Ok, j'me tais et j'vais ranger.
Tu voudrais comprendre...
Toutes les souffrances de la vie, pourquoi par moments tu te sens seule au milieu de tes amis, ou pleinement entourée lorsque tu es seule sur ton canapé.
Tu voudrais comprendre...
L'amour et ses petites routes de campagne, ses sens interdits, ses pentes escarpées, ses falaises et ses rochers sur lesquels tu t'écorches trop souvent les pieds.
Tu voudrais comprendre...
Les peurs et les doutes qui hantent ton esprit et t'empêchent de croire pleinement en l'avenir, ces détails de ton passé qui font de toi celle que tu es aujourd'hui, qui t'on tant marqué sans même que tu t'en rendes comptes.
Tu voudrais comprendre...
Pourquoi c'est parfois si compliqué d'être simplement soi lorsque tout le monde voudrait que l'on corresponde à l'image qu'ils se font de nous. Et pourquoi c'est tellement compliqué d'atteindre les objectifs que l'on se fixe, pourquoi c'est tellement dur que le moindre petit sommet à atteindre te semble une montagne infranchissable. Pourquoi la première fois n'est pas toujours la bonne.
Tu voudrais comprendre...
Le bonheur et ses détours, les chemins de traverse pour y arriver et tous les culs-de-sac où, après l'espoir, tu te rends compte que tu t'es encore trompée de route. Et pourquoi, quand tu es enfin sur la bonne route, tu ne parviens plus à espérer autant que tu le voudrai, peut-être.
Tu voudrais comprendre....
Les autres et leurs réactions qui te font sourire ou pleurer mais ne te laissent jamais indifférente. Les autres et leurs mots qui tapent souvent en plein ton petit coeur de fille pas toujours suffisamment protégé
Tu voudrais comprendre...
La mer qui s'étend à perte de vue devant toi, et pourquoi l'éternité ne t'es pas donnée pour l'explorer. Toutes ces choses que tu n'as pas encore vécues et ces autres qui ne sont déjà plus que souvenirs mais qui restent au fond de ton coeur comme autant d'étoiles que tu refuses de laisser s'éteindre
Tu voudrais comprendre...
Pourquoi dans ton regard tu vois parfois l'amour déborder ou la tristesse poser son voile, sans raison apparente mais sans pouvoir l'arrêter
Tu voudrais comprendre...
Et pouvoir enfin être intimement persuadée que cet amour-là ne s'éteindra jamais, parce que je refuse qu'il en soit ainsi
Mais tu peux pas.
Après tout, tu n'es qu'une femme, tu n'as pas la science infuse. Et devant ce que la vie peut avoir d'obscur et d'incompréhensible, tu ne peux rien faire si ce n'est espérer...
Fermer les yeux, et espérer
Que même si tu ne comprends pas toujours tout ce qui se passe, au moins tout se passe bien.
(Et même si moi non plus je ne peux pas comprendre, même si moi non plus je n'ai pas la science infuse, même si je n'ai pas la moindre idée de ce que la vie nous réserve, je te promets de faire de mon mieux.)
Je vais essayer de revenir en arrière, sur ma vie. Sur ce dont je me souviens, en tous cas. Autant dire peu de choses.
De ma prime enfance, il ne me reste que quelques images floues, moments inoublés même si pas forcément inoubliables.
Il y a cette image, dans le petit parc derrière chez moi, de moi courant, bras grands ouverts, vers ma grand-mère. Juste une étincelle, un instant gravé dans l'éternité. Je revois sa robe bleue à motifs blancs, son grand sourire, ses cheveux gris et courts, ses yeux tellement expressifs. Et mes éclats de rire lorsque j'attéris dans ses bras. Quelques secondes de souvenir. Je n'ai même pas la certitude que ce moment ait vraiment eu lieu. Peut-être est-ce simplement une scène que je me suis créée, petite, pour ne jamais l'oublier, un visage que j'ai gravé dans mon coeur à partir des photos que j'ai vu d'elle. Je ne sais pas. Je sais juste que c'est le seul souvenir que j'ai d'elle, et que je l'aimais beaucoup. Je sais juste que, réel ou non, je refuse de laisser s'effacer cette image de ma tête.
Elle est morte quand je n'avais que six ans, et bizarrement je garde au fond de moi un profond amour pour elle. Comme si inconsciemment j'avais la certitude que, si elle était restée, elle aurait été tellement importante pour moi.
Et cette image est mon refuge, le lieu secret ou je me rends en moi lorsque quelque chose ne va pas. L'un des instants qui me rendent toujours le sourire.
J'ai l'impression que mes souvenirs sont jonchées de ces instants d'éternité. Que chaque personne importante pour moi a droit à son image au fond de mon coeur, à son cliché sur papier glacé, à son souvenir dans ma tête. Toujours.
Il y a cette autre image. Celle de moi, debout sur une chaise, sous un panier de basket, et de mon frère, au milieu de sa bande d'amis, qui me lance doucement le ballon pour que je puisse avoir l'illusion de jouer avec eux. J'avais neuf ou dix ans, eux plus de vingt. C'est l'image de mon frère à laquelle je pense lorsqu'il me manque trop, celle qui me rappelle toujours que, de près ou de loin, on aura toujours cette relation un peu spéciale que l'on a réussi à tisser au fil des années.
Et cette photo de ma mère à laquelle je repense lorsque j'ai l'impression de perdre pied. Cette photo prise cet été, lorsque mes parents sont venus pour quelques jours où, de dos, accoudée à une barrière avec la mer à perte de vue au second plan, elle tourne la tête vers l'appareil photo, vers moi, et sourit, de son sourire que j'aime tant. Ce n'est pas le sourire figé des autres photos, ce n'est pas ce petit rictus qu'elle prend toujours lorsqu'elle sent que le flash ne va pas tarder à l'éblouir, c'est juste son sourire. Aimant et chaleureux. Le sourire d'une mère qui regarde celle qui, malgré les années qui passent, restera toujours sa petite fille.
Pour ma soeur, c'est simplement son "je t'aime", lorsqu'après une dispute avec mes parents, elle s'était réfugiée dans la cuisine pour pleurer. J'avais essayé de la consoler du mieux que je pouvais du haut de mon enfance, sans savoir quoi dire. Alors je m'étais assise sur ses genoux et elle avait laissé ses larmes couler dans mon cou. C'est, je pense, l'instant précis au cours duquel on a été le plus proche. Avant de prendre chacune une route différente, pas forcément comprise de l'autre, et de nous éloigner petit à petit l'une de l'autre. Et toujours, pourtant, quand je pense à elle, c'est en partie cette image qui me revient, malgré les disputes et les incompréhension, et alors je sais qu'à notre façon, à notre manière 'je t'aime, moi non plus', on s'aime quand même. Beaucoup.
Ma belle-soeur, elle, a droit à son lot d'images. Une seule n'aurait pas suffi. Il faut dire qu'on en a vécu, des choses, toutes les deux. On travaillait ensemble, on passait nos soirées et la plupart de nos week-ends ensemble. Pendant 3 ans, on ne s'est presque pas quittées. Et je me souviens de la première fois que je l'ai vue, lorsque, en rentrant d'un entraînement, je l'ai trouvée assise à côté de mon frère sur le canapé. Je me suis assise entre les deux, je l'ai regardée et je lui ai dit "C'est mon frère". A ce moment précis, je la détestais. Ma soeur venait de partir vivre avec son mari, mon frère venait de revenir à la maison après une histoire difficile, et j'avais peur qu'elle me le reprenne. Encore une fois. Finalement, c'est ce qu'elle a fait. Finalement, je suis contente qu'elle l'ait fait. Parce qu'à côté de cette image, après cette image, il y en a eu tellement d'autres, tellement de rire et de confessions, de sourires et de moments magiques. Les deux concerts de Kelly Clarkson, les nombreuses soirées dans un bar, les joints fumés assises à même les cartons lors de leur déménagement, les journées de "course folle" ou nous n'arrêtions pas une seule seconde tellement on voulait faire de choses et tellement les minutes passaient vite, les "pauses-café" le matin, avant d'aller travailler, où on se retrouvait quelques minutes dans un café près du bureau. De tous, je crois qu'elle est celle dont je reste la plus proche, même après 6 mois d'exil. Il suffit de quelques phrases tapées sur msn pour que l'on retrouve instinctivement ce qui nous faisait rire avant, son côté cynique et mon côté pot-de-colle. Tout. Lorsque je suis tombée amoureuse de B, elle est la seule à qui je n'ai pas eu besoin de le dire, la seule qui m'a coupée au moment où je voulais lui en parler pour me dire qu'elle avait compris, en souriant.
Quant à B, ce ne sont pas des images qui me traversent l'esprit lorsque je pense à elle. C'est tout un film, des heures et des heures de chacun de ses sourires qui repassent derrière le voile de mes paupières clauses, des centaines d'étoiles que je vois briller dans ses yeux, des centaines de pressions de sa main dans la mienne que j'ai l'impression de sentir à nouveau, des centaines de bouffées d'amour qui me submergent le coeur. B, je ne pourrais jamais la réduire à une seule image. Comment le pourrais-je, alors qu'en six mois, elle a changé ma vie du tout au tout. Comment le pourrais-je, alors que je n'ai jamais aimé personne comme je l'aime? Comment le pourrais-je, lorsque chaque chanson que j'entend me fait penser à elle?
Je ne peux plus regarder la pluie tomber sans penser à elle. A cette soirée où nous étions sorties sous l'orage admirer les éclairs, ou une mèche de cheveux mouillés s'était collée à son front, la rendant plus belle encore. A cette autre soir où, sous une pluie battante, elle était venue avec moi jusqu'à l'épicerie de nuit me racheter des cigarettes. A cette fois où elle m'a dit qu'elle adorait l'orage et la pluie qui me donne envie d'enfiler une veste à chaque fois que le doux "ploc ploc" des gouttes qui résonnent sur le bitume et qu'elle n'est pas près de moi.
Je ne peux plus vivre sans son visage...
B, c'est pas une image. C'est pas un souvenir. C'est mon présent et mon avenir. C'est mon oxygène et mes sourires. C'est chaque seconde des neuf mois qui viennent de s'écouler et de ceux à venir. B, c'est tout le reste, lorsque ces images furtives quittent mon esprit pour laisser la place à la vie.
B, c'est l'Amour...
Never knew I could feel like this. Like I've never seen the sky before. Want to vanish inside your kiss.
(...)
Seasons may change. Winter to spring. But I'll love you. Until the end of time
(...)
But I'll love you. Until the end of time
(...)
Come what may, I will love you until my dying day
Qui a dit, un jour, que la meilleure façon de réussir dans la vie est de ne "jamais reporter à demain ce que l'on peut faire le jour même"?
Etait-il seulement conscient de la difficulté de mettre son conseil en pratique?
Et qu'est-ce qui, au fond, nous pousse à toujours reporter à plus tard une centaine de choses, chaque jour? Qu'est-ce qui fait que, d'une façon ou d'une autre, on finit toujours par aller se coucher conscient de ne pas avoir atteind ses objectifs de la journée? Conscient d'avoir laissé de côté un ou plusieurs clients, un ou plusieurs appels, un ou plusieurs contrats que l'on aurait pu signer, l'une ou l'autre tâche ménagère, l'une ou l'autre idée à mettre noir sur blanc?
Est-ce la fainéantise? Ce flegme qui nous pousse à tout laisser tomber pour retrouver le calme, la chaleur et la sécurité de la couette? Ou la peur? Peur d'échouer tout autant que de réussir? Peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas 'y arriver'?
Pourquoi est-ce que je ne parviens pas à aller, chaque soir, me coucher heureuse de la journée écoulée, fière de moi et de mes actes?
D'ailleurs, une autre personne célèbre, dont j'ai bien évidemment aussi oublié le nom, n'a-t-elle pas, à son tour, dit un jour que "l'homme ne vaut que ce que valent ses actes?"
Mais alors, où se situe le rôle de notre personnalité, dans notre vie? Cette chose qui fait de nous ce que nous sommes et que nous mettons des dizaines et des dizaines d'années à construire? Cette partie de nous qui nous définit? Ne dit-on pas de quelqu'un "Il est drôle, il a un humour dingue", plutôt que "Il a signé un gros contrat il y a quelques jours"?
Mais alors, que faire? Ne jamais remettre au lendemain les actes que l'on peut faire le jour même en ayant la certitude que c'est par eux, et seulement par eux, que nous seront jugés? Ou tenter, jour après jour, de se forger une personnalité digne de ce nom, qui nous ressemble le plus possible, parce que c'est cette personnalité, au fond, que les autres jugeront?
Et les "Carpe Diem" et autres "Seize the day", on est sensé en faire quoi, au milieu de tout ça?
Et cette troisième personne, un jour, qui a dit "Arrête de te prendre la tête comme ça, tu te poses beaucoup de questions", qui était-ce déjà? Ah oui, c'était B.
Parfois, je me dis qu'elle doit sûrement avoir raison...
Il y a quelques temps déjà, je lui avais promis de respecter ses silences autant que je le pourrais. Bien sûr, je n'avais pas tenu parole. Mon besoin de savoir, constamment, pour effacer mes doutes, était bien trop fort. Et les blessures que je m'invente dans le silence des mots qu'elle ne dit pas trop difficiles à supporter.
C'est la première fois, je crois, que j'essaie vraiment.
J'attends juste que ça passe.
Parce que dans son 'rien', en réponse à mon 'Qu'est-ce qu'il y a', j'ai compris que c'était le rien qui voulait dire 'je ne veux pas en parler'. Pas celui que l'on dit sourire aux lèvres pour persuader l'autre que tout va vraiment bien. Simplement celui sensé faire taire les questions.
Et j'ai beau me demander depuis tout à l'heure si c'est vraiment cela, si elle n'attend pas de moi que je l'assomme encore et encore de questions jusqu'à ce qu'elle s'énerve un peu, enfin. J'ai beau me dire que peut être je m'invente encore des problèmes qui n'existent pas, je ne crois pas.
Alors j'attends. Juste que ça passe.
Et chacun de ses regards fuyants me pousse à me concentrer pour ne pas craquer. Chacun de ses geste, ou plutôt chacune de ses absences de gestes tendre me pousse à refouler les larmes qui voudraient monter un peu trop vite. Ca ne servirait à rien. Ce n'est sans doute rien.
Et je le connais, son besoin de solitude, parfois. Son besoin d'indépendance. J'essaie de le respecter. C'est dans ses silences que c'est le plus dur.
Elle a raison, je crois. Mieux vaut se taire et laisser passer l'orage. En parler plus tard, quand les vagues auront laissé place au calme plat d'une mer miroir. Quand le coeur aura cessé de battre trop vite et la boule d'obstruer la gorge. Quand l'estomac ne sera plus retourné et que les larmes ne menaceront plus de déborder.
J'ai surpris l'éclat d'une goutte dans ses yeux, je crois, dans la voiture. J'ai eu envie de la serrer dans mes bras, d'attraper sa main et de l'emprisonner dans les miennes ou de passer mon bras autour de ses épaules, mes doigts dans ses cheveux. Je n'ai pas bougé. Je ne pense pas que ça aurait changé grand chose.
Alors je me contente de poser quelques secondes ma main sur son épaule quand je passe derrière elle, à l'affut du moindre geste en retour. Et de respecter son silence.
Je devrai apprendre à ne pas avoir comme elle besoin de mots constants pour peupler ma vie, pour panser mes maux. Je devrais arrêter de clamer haut et fort mon indépendance et admettre ma dépendance nouvelle à l'amour. Le pourrais-je? Peut être qu'à force, à force de la masquer un peu, elle finira par s'en aller d'elle même, cette foutue dépendance, cette foutue douleur au moindre de ses éloignements. Et qu'un jour je pourrais vraiment prendre tout ça avec recul.
Un jour, assises dans un train, elle a écrit sur mon calepin. "J'aime que même les silences ne nous éloignent pas". Ce soir, pourtant, je la sens loin. Toute petite au fin fond de l'horizon. Et même en courant le plus vite que je le pourrais, en puisant au fond de mes forces, je sais que je ne pourrais pas la rattraper si elle ne vient pas vers moi aussi. Alors je reste là, et j'attend. La terre tourne bien trop vite pour qu'on puisse essayer d'aller plus vite encore qu'elle. L'amour aussi. Et les mots restent sur place. Ne servent à rien. Parfois. Ce soir, je crois, c'est le cas.
Puis il y a eu cette phrase, tout à l'heure. Au milieu d'un épisode des frères scott qu'elle regardait. "Life sucks, and then you die". Je n'ai pas envie que ma vie ressemble à cette phrase. Je crois qu'elle est la raison principale pour laquelle elle n'y ressemble pas. Dans ses bras, ce serait plutôt "Sun shines, and then you smile". Ou quelque chose du genre. Même si ça ne veut rien dire.
Et aux "pourquoi tu m'aimes" qu'elle me pose parfois, je ne peux que répondre "Parce que tu es parfaite pour moi". Parce qu'il n'y a rien d'autre à dire. Parce que dans ces 7 petits mots, il y a tout mon coeur.
Et même au fond de ses silences, je ne peux que me répéter encore et encore que oui, je l'aime. Je l'aime plus que n'importe quoi d'autre. Je l'aime plus que tout.
Parce que l'amour, après tout, on ne le gère pas. On ne le décide pas. Comme l'orage, il frappe toujours là où on s'y attend le moins et ne laisse jamais le coeur sans séquelles. Pour l'instant le mien est surtout plein de moments heureux que je grave jour et après jour sur la toile de ma tête pour ne jamais, jamais, jamais les oublier.
Elle est mon port d'ancrage.
(J'ai promis... de ne rien demander malgré les larmes qu'elle a finalement laissé couler dans mes bras. J'essaierai de tenir parole. Je sais déjà que ça ne sera pas simple. C'est la peur, je crois. D'être d'une manière ou d'une autre la cause de ses larmes. Et si elle pleurait parce qu'elle a l'impression de ne pas vivre la vie qu'elle voulait, ce dont elle rêvait, qu'est-ce que je ferai? Et si elle pleurait parce qu'elle sentait qu'elle n'y arriverait pas, à vaincre le regard des autres, qu'est-ce que je ferai? Et si elle pleurait parce qu'elle se rendait compte qu'elle m'aime moins qu'avant, qu'est-ce que je ferai? Au fond, peut être mieux vaut ne pas savoir... Et tenter d'oublier mes peurs dans un film qu'on regardera serrées l'une contre l'autre.)
A trop vouloir arrêter les questions qui se bousculent dans ma tête, je ne fais qu'en créer d'autre. Et déboucher sur un texte sans aucun sens. Alignement de mots qui me traversent le coeur plutôt que phrases construites de manière sensée. Comprenne qui pourra les méandres de mes pensées bien trop souvent décousues.
(Dès demain, c'est promis, je donne un vrai sens à ma vie)
(Lire, écrire, travailler, faire du sport, l'aimer, m'amuser, danser, hip-hoper, guitarer, courir, maigrir, vivre, rêver. Et continuer. Encore et encore. Lire, écrire, vivre, rêver, aimer. Encore et encore. Jusqu'au bout)
"Sun shines. And then you smile."
Comment, d'un coup, décider de reprendre sa vie en main? Et oser affronter le monde?
Prendre son avenir à bras le corps ou ses jambes à son cou? Ouvrir une bouteille de bière ou se coucher et, pour un fois, mettre le réveil et ne pas se lever à midi? Ecrire encore et toujours sans fondement ni fin ou tenter le travail constructif et l'histoire continue? Se remettre sérieusement au sport ou laisser couler encore un peu en se disant qu'on verra bien ou ça nous mène? Envoyer, renvoyer, des CV et des lettres de motivation en se gonflant de courage pour accepter refus ou abandonner et se complaire dans une existence médiocre? Oser prendre des risques ou s'arrêter devant les obstacles pour les contempler un peu avant de finalement faire demi tour? Regarder encore un peu les étoiles en souriant ou fermer les volets et les yeux? Se dire qu'on est jeunes et qu'il faut qu'on en profite pour vivre à fond ou compter les maigres économies qu'il nous reste en se disant que les pâtes, finalement, c'est vachement bon sans sauce aussi?
J'ai lu, je lis, j'ai écrit, j'écris, j'ai rêvé, je rêve. Je n'ai jamais fait que ça de ma vie, je crois.
Et ce soir, j'ai plein de projets qui se bousculent, plein d'envies contradictoires, plein de désirs d'avancer, mais pas toujours dans la même direction. Ce soir, j'ai plein de choses à faire demain, mais irais-je au bout, cette fois? Et les jours suivants?
Y a tellement de phrases qui ne tiennent à aucun texte et se bousculent dans ma tête. Tellement de rimes qui ne riment finalement à rien et qui se promènent, un peu seules, un peu bohème, dans mon coeur. Y a tellement d'étoiles dans mes yeux qui brillent encore sans trop savoir pourquoi.
J'me suis trop laissée glisser le long des jours et des semaines, laissée vivre sans même y penser. Jusqu'à ne plus savoir comment je faisais pour me lever chaque matin avant le soleil, aller courir, puis aller travailler, faire un peu de sport en rentrant, lire, lui écrire jusqu'au milieu de la nuit ou sortir sans fin, encore et encore. Puis recommencer. Comment je tenais le rythme?
Maintenant, je me couche à l'heure ou parfois je me levais, je me lève à celle ou je mangeais, et je passe mes après-midi à ne rien faire de constructif, mes soirées à lire et à écrire, à me dire qu'il serait temps que je me bouge sans y parvenir vraiment. J'ai l'impression d'avoir les pieds dans un bloc de béton. Bien trop lourd. Comment je tiens sans aucun rythme?
Je crois qu'il est grand temps...
D'arrêter le laxisme et de recommencer la vie. D'arrêter le huis clos et de recommencer le monde. D'arrêter le silence des touches qui s'enfoncent sur le clavier sans rien avoir à y écrire et de recommencer la vie. Et avoir des choses à raconter.
Il est grand temps de redessiner un sourire sur le visage de ma mère qui, à l'autre bout du pays, cache son inquiétude derrière un ton enjoué lorsque je l'ai au téléphone.
Il est grand temps que je réapprenne à vivre pour autre chose que l'amour. Non pas sans, mais avec l'amour. Juste quelque chose en plus. A côté. Pour que le moindre faux pas cesse de prendre des airs d'apocalypse dans mon coeur, que la moindre fausse note ne me fasse l'effet d'un effondrement sans fin de la petite vie que je me suis créée au fond de notre bulle.
J'ai besoin de notre petite bulle. Et d'autre chose. J'ai besoin 'd'à côté' sur lesquels me reposer. Et de me regarder dans le miroir le matin en me disant que j'ai avancé, depuis la veille, que j'ai grandi, que j'ai appris des choses sans rien oublier de ce que je savais. A en sourire jusqu'aux oreilles
Il est grand temps qu'elle soit fière de moi, ma chérie.
Il est grand temps que je sois fière de moi, moi aussi.
Et fermer à clé les sorties de secours pour passer par la grande porte.
Il y a quelques semaines, j'écrivais sur mon carnet "Il faut se donner les moyens de ses prétentions".
Je ne sais plus à quoi je pensais, ce jour là. Maintenant je sais que ça vaut surtout pour moi.
(J'voudrais juste voir briller encore un peu les étoiles
dans ses yeux quand elle me regarde)